Comment mieux anticiper les épisodes de vents violents et d’inondations meurtrières que nous subissons depuis ces dernières années ?

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Les catastrophes de Vaison-la-Romaine en septembre 1992, celles du Gard en 2002 et de Draguignan en 2010 se sont abattues sur le sud de la France, avec des inondations meurtrières et dévastatrices. De même, en Corse, on se souvient des inondations meurtrières de novembre 1993 et ce type de phénomène a tendance à se reproduire plus ou moins violemment chaque année, principalement en automne. L’Espagne et l’Italie, nos voisins les plus proches sur le pourtour méditerranéen, ont aussi eu leur lot d’évènements destructeurs et en octobre cette année, deux jeunes étudiants de l’Université de Toulon ont perdu la vie, emportés par une brutale montée des eaux. A l’heure actuelle, les spécialistes de la recherche et de la prévision météorologique, s’ils sont capables de prévoir une situation critique, ne peuvent pas déterminer avec précision le lieu et l’intensité des précipitations. C’est pourquoi ils ont organisé, avec le soutien de Météo-France, du CNRS, du CNES et des Universités, une expérience internationale de grande envergure pour mieux comprendre ces phénomènes et améliorer leur prévision pour mieux s’en prémunir.

Ces situations se produisent en général en automne, après le réchauffement estival des eaux de la Méditerranée. Des masses d’air chargées en humidité viennent frapper les reliefs côtiers et produisent des précipitations. La configuration compliquée de la circulation du vent dans la partie nord-ouest du bassin méditerranéen fait que ces masses d’air précipitantes restent bloquées et continuent d’être alimentées par l’air humide en provenance de la mer. C’est pourquoi il est absolument indispensable de bien connaître la circulation du vent surtout à bas niveau. Pour cela, un réseau de 4 radars profileurs de vent a été spécialement installé sur les côtes entre Perpignan et l’île du Levant depuis l’été 2012. La Corse étant un point stratégique dans la mesure où sa situation lui permet de tenir un rôle de sentinelle par rapport aux côtes plus au nord, 2 autres radars ont été installés au sud de la Corse, à Pianottoli-Caldarello, où ils sont hébergés par l’Office de l’Environnement de la Corse sur la base technique de la Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio (voir photo). Ces radars font des mesures du vent toutes les 5 minutes et verticalement dès les 100 premiers mètres au dessus de la surface jusqu’à 5-6 km. Grâce à cette implantation en réseau, on peut quadriller le vent horizontalement à chaque niveau entre l’ensemble des radars et ainsi confronter les mesures aux résultats des modèles de prévision et aider à les améliorer.

En plus des mesures de vent, ces radars permettent de quantifier les précipitations. L’association des mesures de vent et de précipitations permet de calculer l’énergie cinétique des précipitations, qui est un paramètre sensible en Région Corse, de part son important relief, pour surveiller l’érosion des sols et les risques d’éboulement ou de glissements de terrain.

Sur la figure, on peut suivre le vent qui a soufflé à Pianottoli-Caldarello du 11 au 13 octobre 2012. On voit que le vent est faible en surface, de l’ordre de 18 km par heure (couleur violette), alors qu’il atteint 72 km par heure vers 4 km d’altitude (couleur orangée). Il vient de l’ouest et il s’est accompagné de pluie dans la nuit du 11 au 12 octobre. Le lendemain, le 12, cette même masse d’air a provoqué des pluies très importantes sur l’Italie centrale. La situation s’est calmée le 13 octobre.

Ces radars sont installés en Corse jusqu’à la fin de l’année. Sur les 18 mois de leur déploiement, ils auront permis d’engranger un très grand jeu de données précieuses pour les chercheurs. Ce dispositif complète le réseau de mesures opérationnelles de Météo-France et le dispositif instrumental déployé d’août à novembre dernier, principalement à San Giuliano et à Corte, par l’Institut de Technologie de Karlsruhe (KIT) et complété par un avion de recherche de l’Université de Braunschweig, basé sur l’aéroport de la base aérienne de Solenzara. D’autres instruments des Universités de Potsdam et de Toulouse ont également été déployés pour cette campagne de mesures.

L’ensemble de ce dispositif s’intègre dans le projet CORSiCA « Centre d’Observation Régional pour la Surveillance du Climat et de l’environnement Atmosphérique et océanographique en Méditerranée occidentale » (http://www.obs-mip.fr/corsica), observatoire atmosphérique implanté en Corse porté par l’Université Paul Sabatier de Toulouse en partenariat avec plusieurs autres organismes de recherche. Il s’agit d’une plate-forme instrumentale multi-sites de mesures dédiées aux études atmosphériques en Corse dans le cadre de deux programmes de recherche internationaux, HyMeX et ChArMEx. HyMeX (Hydrological cycle in the Mediterranean Experiment, http://www.hymex.org/) a pour objectifs d’améliorer la caractérisation et la compréhension du cycle de l’eau sur le bassin Méditerranéen. A court terme, l’accent est mis sur la prévisibilité et l’évolution des phénomènes météorologiques extrêmes. A plus long terme, les études portent sur la variabilité inter-annuelle à décennale du système couplé atmosphère – surfaces continentales – mer, ainsi que les tendances associées dans le contexte du changement climatique. ChArMEx (Chemistry-Aerosol Mediterranean Experiment, http://charmex.lsce.ipsl.fr/) a pour but de dresser le bilan actuel et futur de l’environnement chimique atmosphérique du bassin méditerranéen et de ses impacts régionaux sur le climat, la qualité de l’air et la biogéochimie marine.

En raison de la configuration orographique de l’île et des différents objectifs scientifiques, plusieurs sites de mesures constituent l’observatoire atmosphérique CORSiCA, du Cap Corse à Bonifacio, à la fois le long du littoral et dans l’intérieur de l’île. L’Observatoire Atmosphérique CORSiCA s’appuie en Corse sur des structures d’accueil comme l’Université de Corse Pascal Paoli, Météo-France, la Marine Nationale, l’Armée de l’Air, l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Qualitair Corse (Association Agréée pour la Surveillance de la Qualité de l’Air), la STARESO (Station de Recherches Océanographiques et sous-marines), l’Office de l’Environnement de la Corse, etc… A ce jour, le projet rassemble une cinquantaine de chercheurs, ingénieurs, techniciens de plusieurs laboratoires français et étrangers.

La Collectivité Territoriale de Corse via la Direction de l’Enseignement Supérieur ainsi que la Direction Régionale de la Recherche et de la Technologie ont permis de donner une impulsion forte à ce projet (fonds CPER-FEDER) à vocation pérenne mais qui sert également de structure d’accueil pour des campagnes de mesures dans le cadre des programmes HyMeX et ChArMEx.

Les deux radars profileurs de vent sont installés sur le site de la base technique de la Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio (O.E.C.). Le radar UHF est mis en œuvre par le Laboratoire de Physico-Chimie de l’Atmosphère de l’Université du Littoral-Côte d’Opale. Le radar VHF est mis en œuvre par le Laboratoire d’Aérologie de l’Université de Toulouse. Ces deux radars sont complémentaires dans les mesures.

 

 

Mesures du vent réalisées par le profileur de vent UHF de Pianottoli-Caldarello du 11 octobre 2012 0 heure (temps universel) au 13 octobre 2012 minuit. Le vent est mesuré sur la verticale depuis une centaine de mètres de haut jusqu’à 6 kilomètres d’altitude. Il est exprimé en mètres par seconde (plus les couleurs tendent vers le rouge, plus le vent est fort ; 25 m/s correspondant à 90 kilomètres par heure). Les flèches indiquent l’orientation du vent, leur longueur étant proportionnelle à l’intensité. La direction des flèches est telle qu’un vent de nord est dirigé vers le bas et un vent d’ouest vers la droite.

 

Contacts :

Responsables des radars profileurs de vent :

Frédérique Saïd (Laboratoire d’Aérologie, Université de Toulouse)

Email : frederique.said@aero.obs-mip.fr

Bernard Campistron (Laboratoire d’Aérologie, Université de Toulouse)

Email : bernard.campistron@aero.obs-mip.fr

Hervé Delbarre (Laboratoire de Physico-Chimie de l’Atmosphère, Université du Littoral-Côte d’Opale, Dunkerque)

Email : herve.delbarre@univ-littoral.fr

 

Responsable du projet d’observatoire atmosphérique CORSiCA :

Dominique Lambert (Laboratoire d’Aérologie, Université de Toulouse)

Email : dominique.lambert@aero.obs-mip.fr

Tel. : 05 61 33 27 58 ou 06 86 95 67 14

 

 

Rubrique : Actualités CSTI, Vie du réseau.